Des secouristes en santé mentale au sein de vos équipes : un choix stratégique
- Pascale Faujour

- 1 juin
- 4 min de lecture

« J’ai croisé xxx ce matin. Je trouvais qu’il n’allait pas très bien. Je lui ai demandé comment ça allait. Mais il m’a répondu que c’était personnel. Alors, je n’ai pas insisté ».
Combien de fois avons-nous entendu cette phrase et peut-être, combien de fois l’avons-nous nous-même prononcée ? C’est pourtant dans ces moments-là qu’il convient d’interagir différemment. Mais pour agir autrement, s’agit-il de se sentir légitime à le faire, de savoir le faire et d’oser le faire. C’est l’invitation que propose la formation aux Premiers Secours en Santé Mentale – PSSM.
La QVCT, dont la prévention des risques psychosociaux, résulte d’un maillage d’actions, de dispositifs et d’acteurs. Un filet de protection en quelque sorte, mais à renforcer et à étayer !
Chaque organisation dispose d’acteurs « naturels » au regard de leurs fonctions institutionnelles : représentants des ressources humaines, préventeurs, élus au CSE, référents handicap, référents harcèlement sexuel et agissements sexistes…
Majoritairement formés à occuper leurs fonctions sur la dimension de la relation à l’autre, leurs repères et connaissances restent parfois fragiles sur le sujet de la santé mentale et certaines situations peuvent les laisser en questionnement voire les désemparer : qu’aurais-je dû faire ou dire, aurais-je dû faire autrement ?
Ces différents acteurs ne sont pas eux-mêmes exempts d’une exposition aux risques psychosociaux sous l’angle de leurs relations avec des personnes en difficulté. Les former contribue à les protéger.
Trouver la juste distance, être à l’écoute, être empathique, et surtout, savoir comment passer la main : quelques enjeux de la formation aux Premiers Secours en Santé Mentale
Pour illustrer ce propos, une personne, récemment formée, a témoigné d’avoir su intervenir auprès d’un bénéficiaire en difficulté qui présentait des idées suicidaires :
« Je savais comment intervenir, ce que je devais faire. Je n’étais pas dans le doute d’avoir ou non prononcé les bons mots ».
Cette formation n’a pas pour objet de faire des secouristes des personnes susceptibles de poser un diagnostic ni même d’accompagner sur le plan psychothérapeutique. Cependant, les connaissances transmises donnent des repères, le travail sur la posture du secouriste donne de la légitimité, l’appui sur un plan d’action exploré en formation permet d’organiser le(s) échange(s) qui seront menés avec un autre, en difficulté.
La prévention est alors effective pour l’un comme pour l’autre.
Une formation qui contribue à la démarche de prévention de l’employeur et son obligation de sécurité
Cette formation répond sur les trois niveaux de prévention :
Au niveau primaire, par la formation des acteurs ayant une responsabilité sur le plan de la sécurité au travail, dont les managers ;
Au niveau secondaire par la formation des salariés potentiellement exposés à des situations de personnes en souffrance ;
Au niveau tertiaire par l’intervention directe auprès d’un collaborateur en difficulté.
Savoir repérer des (premiers) signes de mal-être manifestés par un autre, les envisager comme tels et agir sont des choses qui s’apprennent. Un frein récurrent lors de l’animation de cette formation est la peur d’être intrusif. Si les formations à la prévention des risques psychosociaux nous apprennent à repérer des signes, la formation aux premiers secours en Santé Mentale nous permet de sortir de l’idée que solliciter autrui sur le sujet de sa santé mentale est une ingérence dans sa vie privée.
Les Premiers Secours en Santé Mentale ne se substituent pas aux formations à la prévention des risques psychosociaux mais peuvent vertueusement les compléter en renforçant les compétences psychosociales des professionnels formés.
Une diffusion de la prévention, la création d’un réseau
Parce que tout salarié est aussi un acteur de prévention, certaines entreprises font le choix d’ouvrir la formation à toute personne volontaire, par exemple, une ou deux personnes par Direction. Ainsi, au plus près des différents terrains de l’entreprise, ces personnes sont-elles alors plus à même de repérer un collègue potentiellement en souffrance sur le plan psychologique et celui-ci trouvera peut-être plus facile d’échanger avec tel collègue, plus à l’écoute, dans un premier temps.
C’est ainsi que certaines entreprises créent un réseau animé de secouristes en santé mentale, volontaires ou désignés par leurs fonctions.
Favoriser une transformation culturelle autour de la santé mentale
L’intérêt d’un tel réseau interne à l’entreprise rejoint l’objectif de PSSM France[1] de former 750 000 secouristes en santé mentale sur le territoire français d’ici 2030.
Certes, la formation participe à augmenter le nombre de secouristes formés, mais surtout concourt à l’ambition – au sein même de l’entreprise et pour son propre bénéfice – d’impulser ou d’accroître une culture bienveillante.
Le sujet de la santé mentale est chargé d’idées préconçues négatives et malheureusement tenaces. Les personnes concernées sont souvent exposées à des formes de stigmatisation ou même de discrimination. Les conséquences pour l’entreprise sont inévitablement dommageables.
Et pourtant, l’inconfort vécu, par les personnes concernées, notamment dans le monde du travail, est loin d’être un phénomène marginal.
La santé mentale : un enjeu d’importance dans le monde du travail
Rappelons, par exemple, qu’en 2021 en France 20,8% des jeunes adultes (18-24 ans) ont été concernés par la dépression[2].
Toujours en France, une étude AXA et IPSOS[3] (mars 2024) nous informe que beaucoup d’actifs déclarent rencontrer des problèmes psychologiques en raison de leur travail et plus spécifiquement :
Des épisodes de grande fatigue et de manque d’énergie (59%),
Des troubles du sommeil (47%),
Du stress et de l’anxiété difficile à contrôler (47%),
Des moments de pertes d’intérêt ou de plaisir (47%),
Des problèmes de concentration et des difficultés à prendre des décisions (35%),
De la perte de confiance en soi (40%),
Un sentiment de dévalorisation (41%),
Des troubles de l’appétit ou de l’alimentation (27%).
Lorsque 39% des actifs déclarent cumuler au moins cinq des problèmes mentionnés ci-dessus et 58% apparaissent susceptibles d’envisager des formes de désengagement du travail, nous comprenons que les enjeux de la santé mentale pour les employeurs sont considérables.
Quand le monde du travail, par son propre exercice de la prévention, devient acteur du changement culturel sur la santé mentale
Le monde du travail reflète et nourrit les grandes évolutions sociales et sociétales. Parce qu’il modèle les relations humaines et les représentations, il est aujourd’hui un levier puissant pour impulser des transformations durables.
Former les collaborateurs aux Premiers Secours en Santé Mentale, c’est inscrire la santé mentale au cœur de la politique RH, c’est ancrer son organisation dans une dynamique d’engagement, de performance et de sens, qui traduit très concrètement une volonté d’agir.
Et si vous commenciez par former un premier groupe de secouristes en santé mentale ?
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[1] PSSM France est une association à but non lucratif fondée en 2018. Elle porte le programme de formation « Premiers Secours en Santé Mentale » sur le territoire français.
[3] https://www.ipsos.com/fr-fr/axa-mind-health-report-la-sante-mentale-se-deteriore-travers-le-monde
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Objectifs et programme de la formation : https://www.motiondesens.org/pssm-premiers-secours-en-sante-mentale




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